Lesaffiches de mai 68 :lorsque «l’imagination prend le pouvoir». PubliĂ© le 04 mai 2018 , par Claire Papon et Anne Foster « Non Ă  la rĂ©pression», «À bas les cadences infernales», «La lutte continue», «CRS SS», «La chienlit c’est Mezetulleaccueille un dĂ©bat trĂšs riche sur l’enseignement musical dont Dania Tchalik est Ă  la fois l’initiateur et le moteur principal. InaugurĂ© sur 2012 avec plusieurs textes en confrontation et en dialogue 1, il s’est poursuivi ici avec un article de Dania Tchalik « PĂ©dagogie, Ă©valuation et Ă©tudes musicales » auquel a rĂ©pliquĂ© le texte d’Éric Sprogis Eneffet, l’affiche reprĂ©sente en deux couleurs ( rouge et blanc) l’ombre caricaturale (grandestature, grand nez, kepi) du General de Gaulle, empĂȘchant de parler un jeune Affiched’art Gustave. Papier semi-glacĂ© 200 grammes de qualitĂ© supĂ©rieure. Gustave prĂ©pare vos impressions sur commande et au plus prĂšs du client afin de rĂ©duire leur Le6 mai, j'Ă©tais Ă  Denfert-Rochereau. De lĂ , j'ai Ă©tĂ© Ă  Saint-Germain-des-PrĂ©s. Beaucoup de gens avaient des transistors. C'Ă©tait merveilleux. L'information Ă©tait instantanĂ©e, et chacun pouvait Ă©laborer sa stra- tĂ©gie personnelle. Jai senti que l'individu n'Ă©tait pas un mouton dans la foule. Il rĂ©flĂ©chissait. On Ă©coutait IPourquoi des rĂ©formes A L'attente de la sociĂ©tĂ© Giscard pense avoir entendu le message de la France en 1968. Les pancartes brandies telles que sois jeune et tais toi, montrent la volontĂ© d'une partie de la population française d'aspirer Ă  autre chose, Ă  des changements notoires dans la sociĂ©tĂ©. La libĂ©ralisation des mƓurs, la HgBTdIQ. Cet article date de plus de quatre ans. PubliĂ© le 15/05/2018 2255 Mis Ă  jour le 16/05/2018 0309 DurĂ©e de la vidĂ©o 3 min. FRANCE 3 Article rĂ©digĂ© par Mai-68 peut ĂȘtre analysĂ© Ă  travers les slogans de l'Ă©poque. Certains sont toujours aussi connus, les Ă©vĂšnements de 1968 ont aussi Ă©tĂ© l'occasion d'une rĂ©volution des mots. Les slogans de Mai-68 sont toujours aussi marquants 50 ans aprĂšs. "Sois jeune et tais-toi", "La lutte continue", "A bas les cadences infernales", "Nous sommes le pouvoir", autant de mots d'ordre et d'affiches qui sont entrĂ©s dans la mĂ©moire collective. La plupart des images emblĂ©matiques ont Ă©tĂ© produites aux beaux-arts de Paris. Pendant 46 jours, Ă©tudiants et artistes vont occuper l'Ă©cole et crĂ©er un atelier populaire. Dans cette fabrique d'affiches et de mots d'ordre, la rĂ©volte est mise en image et les meilleurs projets sont sĂ©lectionnĂ©s en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. Souvent, ils rĂ©agissent Ă  l'actualitĂ© du jour. Comme le 19 mai 1968, lorsque Pompidou reprend la dĂ©claration que de Gaulle vient de faire en Conseil des ministres "La rĂ©forme oui, la chienlit non". DĂšs le lendemain, l'atelier tourne en dĂ©rision le pouvoir gaulliste. Dans la nuit, plus de 3 000 affiches "La chienlit c'est lui !" sont collĂ©es sur les murs. Dans le dĂ©cor spectaculaire, le regard ne rencontre que les choses et leur prix. MĂ©tro, boulot, dodo. Et cependant tout le monde veut respirer et personne ne peut respirer et beaucoup disent nous respirerons plus tard ». Et la plupart ne meurent pas car ils sont dĂ©jĂ  morts. L’ennui est contre-rĂ©volutionnaire. Nous ne voulons pas d’un monde oĂč la certitude de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui. Nous voulons vivre. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. Dans une sociĂ©tĂ© qui a aboli toute aventure, la seule aventure qui reste est celle d’abolir la sociĂ©tĂ©. L’émancipation de l’homme sera totale ou ne sera pas. Ceux qui font les rĂ©volutions Ă  moitiĂ© ne font que se creuser un tombeau. Pas de replĂątrage, la structure est pourrie. Le masochisme aujourd’hui prend la forme du rĂ©formisme. RĂ©forme mon cul. La rĂ©volution est incroyable parce que vraie. Je suit venu. J’ai vu. J’ai cru. Cours, camarade, le vieux monde est derriĂšre toi ! Vite ! Pourvu qu’ils nous laissent le temps... En tout cas pas de remords ! DĂ©jĂ  dix jours de bonheur. Vivre au prĂ©sent. Camarades, si tout le peuple faisait comme nous... On ne revendiquera rien, on ne demandera rien. On prendra, on occupera. À bas l’État. Quand l’assemblĂ©e nationale devient un théùtre bourgeois, tous les théùtres bourgeois doivent devenir des assemblĂ©es nationales. [À l’entrĂ©e de l’OdĂ©on.] Plebicit qu’on dise oui qu’on dise non il fait de nous des cons. Il est douloureux de subir les chefs, il est encore plus bĂȘte de les choisir. Ne changeons pas d’employeurs, changeons l’emploi de la vie. Ne me libĂšre pas, je m’en charge. Je ne suis pas au service de personne pas mĂȘme du peuple et encore moins de ses dirigeants ; le peuple se servira tout seul. Abolition de la sociĂ©tĂ© de classes. La Nature n’a fait ni serviteurs ni maĂźtres, je ne veux donner ni recevoir d’ordres. Un bon maĂźtre, nous en aurons un dĂšs que chacun sera le sien. Dans la rĂ©volution, il y a deux sortes de gens ceux qui la font, et ceux qui en profitent. » NapolĂ©on Attention les arrivistes et les ambitieux peuvent se travestir en prenant un masque socialard ». Ne nous laissons pas bouffer par les politicards et leur dĂ©magogie boueuse. Ne comptons que sur nous mĂȘmes. Le socialisme sans la libertĂ©, c’est la caserne. Tout pouvoir abuse. Le pouvoir absolu abuse absolument. Nous voulons les structures au service de l’homme et non pas l’homme au service des structures. La rĂ©volution n’est pas seulement celle des comitĂ©s mais avant tout la vĂŽtre. La politique se passe dans la rue. La barricade ferme la rue mais ouvre la voie. Notre espoir ne peut venir que des sans-espoir. Est prolĂ©taire celui qui n’a aucun pouvoir sur l’emploi de sa vie et qui le sait. Ne travaillez jamais. Les gens qui travaillent s’ennuient quand ils ne travaillent pas. Les gens qui ne travaillent pas ne s’ennuient jamais. Depuis 1936 j’ai luttĂ© pour les augmentations de salaire. Mon pĂšre avant moi a luttĂ© pour les augmentations de salaire. Maintenant j’ai une tĂ©lĂ©, un frigo, un VW. Et cependant j’ai vĂ©cu toujours la vie d’un con. Ne nĂ©gociez pas avec les patrons. Abolissez-les. Le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui. C’est en arrĂȘtant nos machines dans l’unitĂ© que nous dĂ©montrons leur faiblesse. Occupation des usines. Tout le pouvoir aux conseils ouvriers un enragĂ©. Tout le pouvoir aux conseils enragĂ©s un ouvrier. Travailleur tu as 25 ans mais ton syndicat est de l’autre siĂšcle. Les syndicats sont des bordels. Camarades, lynchons SĂ©guy ! Veuillez laisser le Parti communiste aussi nette en en sortant que vous voudriez la trouver en y entrant. Staliniens, vos fils sonts avec nous ! L’homme n’est ni le bon sauvage de Rousseau, ni le pervers de l’église et de La Rochefoucauld. Il est violent quand on l’opprime, il est doux quand il est libre. Le combat est pĂšre de toute chose. » HĂ©raclite Si besoin Ă©tait de recourir Ă  la force, ne restez pas au milieu. Soyons cruels. L’humanitĂ© ne sera heureuse que le jour oĂč le dernier capitaliste aura Ă©tĂ© pendu avec les tripes du dernier bureaucrate. Quand le dernier des sociologues aura Ă©tĂ© pendu avec les tripes du dernier bureaucrate, aurons-nous encore des problĂšmes » ? La passion de la destruction est une joie crĂ©atrice. Bakounine Un seul week-end non rĂ©volutionnaire est infiniment plus sanglant qu’un mois de rĂ©volution permanente. Les larmes des Philistins sont le nectar des dieux. Cela nous concerne tous./Cela te concerne aussi. Nous sommes tous des juifs allemands. Nous refusons d’ĂȘtre diplomĂ©s, recensĂ©s, endoctrinĂ©s, sarcellisĂ©s, sermonnĂ©s, matraquĂ©s, tĂ©lĂ©manipulĂ©s, gazĂ©s, fichĂ©s. Nous sommes tous des indĂ©sirables ». Nous devons rester inadaptĂ©s ». La forĂȘt prĂ©cĂšde l’homme, le dĂ©sert le suit. Sous les pavĂ©s, la plage. Le bĂ©ton Ă©duque l’indiffĂ©rence. Ici, bientĂŽt, de charmantes ruines. Belle, peut-ĂȘtre pas, mais ĂŽ combien charmant. La vie contre la survie. Je me propose d’agiter et d’inquiĂ©ter les gens. Je ne vends pas le pain mais la levure. » Unamuno Le conservatisme est synonyme de pourriture et de laideur. Vous ĂȘtes creux. Vous finirez tous par crever du confort. Cache-toi, objet ! Non Ă  la rĂ©volution en cravate. Une rĂ©volution qui demande que l’on se sacrifie pour elle est une rĂ©volution Ă  la papa. La rĂ©volution cesse dĂšs l’instant qu’il faut se sacrifier pour elle. La perspective de jouir demain ne me consolera jamais de l’ennui d’aujourd’hui. Quand les gens s’aperçoivent qu’ils s’ennuient, ils cessent de s’ennuyer. Le bonheur est une idĂ©e neuve. Vivre sans temps mort. Ceux qui parlent de rĂ©volution et de lutte des classes sans se rĂ©fĂ©rer Ă  la rĂ©alitĂ© quotidienne parlent avec un cadavre dans la bouche. La culture est l’inversion de la vie. La poĂ©sie est dans la rue. La plus belle sculpture, c’est le pavĂ© qu’on jette sur la gueule des flics. L’art est mort, ne consommez pas son cadavre. L’art est mort, libĂ©rons notre vie quotidienne. L’art est mort. Godard n’y pourra rien. Godard le plus con des Suisses pro-chinois ! Vibration permanente et culturelle. Nous voulons une musique sauvage et Ă©phĂ©mĂšre. Nous proposons une rĂ©gĂ©nĂ©ration fondamentale grĂšve de concerts, des meetings sonores sĂ©ances d’investigation collectives, suppression du droit d’auteur, les structures sonores appartiennent Ă  chacun. L’anarchie, c’est je. RĂ©volution, je t’aime. Ne consommons pas Marx. Je suis marxiste tendance Groucho. Je prends mes dĂ©sirs pour la rĂ©alitĂ© car je crois en la rĂ©alitĂ© de mes dĂ©sirs. DĂ©sirer la rĂ©alitĂ©, c’est bien ! RĂ©aliser ses dĂ©sirs, c’est mieux ! Prenez vos dĂ©sirs pour des rĂ©alitĂ©s. Je dĂ©crĂšte l’état de bonheur permanent. Soyez rĂ©alistes, demandez l’impossible. L’imagination au pouvoir. Manquer d’imagination, c’est ne pas imaginer le manque. Imagination n’est pas don mais par excellence objet de conquĂȘte. Breton L’action ne doit pas ĂȘtre une rĂ©action mais une crĂ©ation. L’action permet de surmonter les divisions et de trouver des solutions. ExagĂ©rer, c’est commencer d’inventer. L’ennemi du mouvement, c’est le scepticisme. Tout ce qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© vient du dynamisme qui dĂ©coule de la spontanĂ©itĂ©. Ici, on spontane. Il faut porter en soi un chaos pour mettre au monde une Ă©toile dansante. » Nietzsche Il faut systĂ©matiquement explorer le hasard. DĂ©boutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette. Toute vue des choses qui n’est pas Ă©trange est fausse. » ValĂ©ry La vie est ailleurs. Oubliez tout ce que vous avez appris. Commencez par rĂȘver. CrĂ©ez des comitĂ©s de rĂȘves. Debout les damnĂ©s de l’UniversitĂ©. Les Ă©tudiants sont cons. L’aptitude de l’étudiant Ă  faire un militant de tout acabit, en dit long sur son impuissance. —Les filles enragĂ©es. Professeurs, vous nous faites vieillir. Fin de l’UniversitĂ©. Violez votre Alma Mater. Et si on brĂ»lait la Sorbonne ? Professeurs vous ĂȘtes aussi vieux que votre culture, votre modernisme n’est que la modernisation de la police. Nous refusons le rĂŽle qu’on nous assigne nous ne serons pas des chiens policiers. Nous ne voulons pas ĂȘtre les chiens de garde ou les serviteurs du capitalisme. Examens = servilitĂ©, promotion sociale, sociĂ©tĂ© hiĂ©rarchisĂ©e. Quand on vous examine, rĂ©pondez avec des questions. L’insolence est la nouvelle arme rĂ©volutionnaire. Tout enseignant est enseignĂ©. Tout enseignĂ© est enseignant. La vieille taupe de l’histoire semble bel et bien ronger la Sorbonne. TĂ©lĂ©gramme de Marx, 13 mai 1968. Une pensĂ©e qui stagne est une pensĂ©e qui pourrit. Pour mettre en question la sociĂ©tĂ© oĂč l’on vit », il faut d’abord ĂȘtre capable de se mettre en question soi-mĂȘme. Prenons la rĂ©volution au sĂ©rieux mais ne nous prenons pas au sĂ©rieux. Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs. Construire une rĂ©volution c’est aussi briser toutes les chaĂźnes intĂ©rieures. Un flic dort en chacun de nous, il faut le tuer. Chassez le flic de votre tĂȘte. La religion est l’escroquerie suprĂȘme. Ni dieu ni maĂźtre. MĂȘme si Dieu existait il faudrait le supprimer. Savez-vous qu’il existait encore des chrĂ©tiens ? À bas le crapaud de Nazareth. Comment penser librement Ă  l’ombre d’une chapelle ? Nous voulons un endroit pour pisser, non pour prier. Dieu, je vous soupçonne d’ĂȘtre un intellectuel de gauche. La bourgeoisie n’a pas d’autre plaisir que celui de les dĂ©grader tous. Les motions tuent l’émotion. Luttons contre la fixation affective qui paralyse nos potentialitĂ©s. —ComitĂ© des femmes en voie de libĂ©ration. Les rĂ©serves imposĂ©es au plaisir excite le plaisir de vivre sans rĂ©serve. Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la rĂ©volution. Plus je fais la rĂ©volution, plus j’ai envie de faire l’amour. SEXE C’est bien, a dit Mao, mais pas trop souvent. Camarades, 5 heures de sommeil sur 24 sont indispensables nous comptons sur vous pour la rĂ©volution. Embrace ton amour sans lĂącher ton fusil. Je t’aime !!! Oh! dites-le avec des pavĂ©s !!! Je jouis dans les pavĂ©s. Jouir sans entraves. Camarades, l’amour se fait aussi Ă  Sc. Po, pas seulement aux champs. Jeunes femmes rouges, toujours plus belles. Zelda, je t’aime ! À bas le travail ! Les jeunes font l’amour, les vieux font des gestes obscĂšnes. Make love, not war. [en anglais] Aimez-vous les uns les autres. Qui parle de l’amour dĂ©truit l’amour. À bas la sociĂ©tĂ© de consommation. Consommez plus, vous vivrez moins. La marchandise est l’opium du peuple. La marchandise, on la brĂ»lera. On achĂšte ton bonheur. Vole-le. Voir Nanterre et vivre. Allez mourir Ă  Naples avec le Club MĂ©diterranĂ©e. Etes-vous des consommateurs ou bien des participants ? Être libre en 1968, c’est participer. Je participe. Tu participes. Il participe. Nous participons. Vous participez. Ils profitent. L’ñge d’or Ă©tait l’ñge oĂč l’or ne rĂ©gnait pas. C’est parce que la propriĂ©tĂ© existe qu’il y a des guerres, des Ă©meutes et des injustices. » Saint Augustin Si tu veux ĂȘtre heureux pends ton propriĂ©taire. Millionnaires de tous les pays, unissez-vous, le vent tourne. L’économie est blessĂ©e, qu’elle crĂšve ! Que c’est triste d’aimer le fric. Vous aussi vous pouvez voler. Amnistie acte par lequel les souverains pardonnent le plus souvent les injustices qu’ils ont commises. » Ambrose Bierce Abolition de l’aliĂ©nation. L’obĂ©issance commence par la conscience et la conscience par la dĂ©sobĂ©issance. DĂ©sobĂ©ir d’abord ; puis Ă©crire sur les murs. Loi du 10 mai 1968. J’aime pas Ă©crire sur les murs. Écrivez partout ! Avant donc que d’écrire, apprenez Ă  penser. Je ne sais pas qu’écrire mais j’aimerais en dire de belles choses et je ne sais pas. On n’a... pas le temps d’écrire !!! J’ai quelque chose Ă  dire mais je ne sais pas quoi. La libertĂ©, c’est le droit au silence. Vive la communication, Ă  bas la tĂ©lĂ©communication. Toi, mon camarade, toi que j’ignorais derriĂšre les turbulences, toi jugulĂ©, apeurĂ©, asphyxiĂ©, viens, parle Ă  nous. Parlez Ă  vos voisins. Hurle. CrĂ©ez. Regardez en face !!! Participons au balayage. Il n’y a pas de bonnes ici. La rĂ©volution, c’est une INITIATIVE. Le discours est contre-rĂ©volutionnaire. Bannissons les applaudissements, le spectacle est partout. Ne nous attardons pas au spectacle de la contestation mais passons Ă  la contestation du spectacle. À bas la sociĂ©tĂ© spectaculaire-marchande. À bas les journalistes et ceux qui veulent les mĂ©nager. Il est interdit d’interdire. La libertĂ© est le crime qui contient tous les crimes. C’est notre arme absolu. La libertĂ© d’autrui Ă©tend la mienne Ă  l’infini. Pas de libertĂ© aux ennemis de la libertĂ©. LibĂ©rez nos camarades. Ouvrons les portes des asiles, des prisons, et autres FacultĂ©s. Les frontiĂšres on s’en fout. L’avenir ne contiendra que ce que nous y mettrons maintenant. Verbe de tous les pays prolĂ©tarisez-vous. Ah ! Baiser. Achete et tais-toi. Les CRS sont payĂ©s trĂšs cher. Pour le mĂȘme travail, les Staliniens ne gagnent rien. Soutenons les revendications des Stals pour un salaire Ă©gal. Ne dites pas M. le Prof, dites crĂšve salope ! Je ne veux pas devenir une machine. Bats ton patron, si tu ne sais pas pourquoi, lui, il le sait. Un rien de rĂ©volte, une joie totale ! ____________________________ The ChangeBook / Google+ / Facebook inventin / Facebook Lukas Stella Cette lecture analytique s’adresse Ă  mes classes de PremiĂšre, mais elle intĂ©ressera bien Ă©videmment les Ă©tudiantes et les Ă©tudiants travaillant sur les Ă©tudes fĂ©ministes et l’écriture au fĂ©minin. Il faut que la femme s’écrive que la femme Ă©crive de la femme et fasse venir les femmes Ă  l’écriture, dont elles ont Ă©tĂ© Ă©loignĂ©es aussi violemment qu’elles l’ont Ă©tĂ© de leurs corps pour les mĂȘmes raisons, par la mĂȘme loi, dans le mĂȘme but mortel. Il faut que la femme se mette en texte ― comme au monde, et Ă  l’histoire ― de son propre mouvement. » HĂ©lĂšne Cixous, Le rire de la mĂ©duse » L’Arc, n° 61 Simone de Beauvoir et la lutte des femmes », 1975, p. 39. INTRODUCTION C’ est dans la mouvance des mouvements fĂ©ministes des annĂ©es 1970 qu’Annie Leclerc 1940-2006, Ă©crivaine et professeure de philosophie, livre au grand public cet ouvrage audacieux et provocateur, qui fit scandale lors de sa parution Parole de femme. Dans cet essai Ă  la fois philosophique et poĂ©tique, l’auteure exalte un fĂ©minisme nouveau, qui revendique haut et fort une identitĂ© fĂ©minine » qu’il faut dĂ©finir ou construire. À la diffĂ©rence du fĂ©minisme Ă©galitariste par exemple qui s’en tient Ă  des revendications d’égalitĂ© entre les hommes et les femmes, ce courant du fĂ©minisme est appelĂ© diffĂ©rentialiste car il cĂ©lĂšbre dans la femme la prise de conscience de sa fĂ©minitĂ© et de sa diffĂ©rence comme remĂšde premier Ă  l’impĂ©rialisme culturel des hommes et aux systĂšmes de valeur qui imprĂšgnent la culture patriarcale »Âč. Ce que propose Annie Leclerc dans ce trĂšs beau texte militant n’est autre qu’un renouvellement des savoirs, qui passe par l’affirmation du fĂ©minin, et donc d’une identitĂ© sexuelle. Comme elle l’écrit plus loin dans le livre, il faut que les femmes se constituent des territoires propres, donnant lieu Ă  l’émergence de savoirs et de pouvoirs particuliers ». Tout l’essai d’Annie Leclerc, et particuliĂšrement ce texte, est en effet traversĂ© par la problĂ©matique fondamentale de l’appropriation par les femmes du savoir et la mise en Ă©vidence de l’écriture fĂ©minine valorisant Ă  la fois la conscience de soi en tant que femme, et une nouvelle approche des rapports de pouvoir. PLAN 1. Un texte polĂ©mique et engagĂ© A/ L’énonciation du texte le je » dominant B/ Un blĂąme contre les hommes 2. Le fĂ©minisme d’Annie Leclerc une double conquĂȘte de l’identitĂ© et de l’écriture A/ Le refus des universalismes B/ La nĂ©cessitĂ© d’une prise de conscience parole et identitĂ© fĂ©minine 3. La dimension lyrique et poĂ©tique du texte A/ Une revendication qui passe par le langage poĂ©tique B/ Un hymne Ă  la vie l’articulation de l’écriture avec la revendication du corps fĂ©minin Conclusion – 1 UN TEXTE POLÉMIQUE ET ENGAGÉ A/ Un texte qui s’inscrit dans l’énonciation du discours Si la revendication par les femmes d’une parole militante, tout comme l’expression de revendications concernant l’égalitĂ©, est loin d’ĂȘtre un phĂ©nomĂšne rĂ©cent —on peut Ă©voquer tout Ă  fait arbitrairement Christine de Pisan 1364‑1430, Olympe de Gouges 1745‑1793 George Sand 1804-1876 ou Colette 1873-1954— c’est dans les annĂ©es 1970 sous la pression des mouvements nĂ©o-fĂ©ministes et des revendications de Mai 68, que la parole Ă©crite s’accompagne d’une parole parlĂ©e » amenant Ă  un basculement des valeurs les femmes revendiquent le droit Ă  une parole diffĂ©rente de celle des hommes, perçue comme un instrument de transmission de l’aliĂ©nation fĂ©minine. En ce sens, le texte d’Annie Leclerc fait prĂ©valoir un fĂ©minisme de la diffĂ©rence ou diffĂ©rentialiste selon elle, le problĂšme tient au fait que le rĂ©fĂ©rentiel du fĂ©minisme est essentiellement masculin, ce qui explique que l’égalitarisme ait Ă©tĂ© largement dominant. En opposition Ă  cette masculinisation fĂ©minine », c’est au contraire en tant que femme assumant son identitĂ© et sa diffĂ©rence, c’est-Ă -dire assumant la responsabilitĂ© de ce qu’elle affirme Ă  travers l’emploi de la premiĂšre personne qu’Annie Leclerc prend la parole. Les indices d’énonciation On appelle indices d’énonciation les marques spĂ©cifiques permettant de dĂ©terminer qui parle, Ă  qui s’adresse le texte, dans quelles circonstances il a Ă©tĂ© produit. En premier lieu, il convient de s’interroger sur l’énonciation, c’est-Ă -dire sur la façon dont est produit l’énoncĂ©. Dans le passage, nous voyons que l’énonciateur est trĂšs prĂ©sent dans son Ă©noncĂ© Annie Leclerc prend parti pour une thĂšse et manifeste clairement son implication et sa position dans le discours. La position de l’énonciation dans cet extrait, de mĂȘme que dans tout l’essai, est explicitement fĂ©minine c’est donc dans la perspective du discours fĂ©minin qu’il faut apprĂ©hender le texte. Cette affirmation de la conscience de soi passe en effet par l’affirmation d’une identitĂ© de genre pour Annie Leclerc, la femme doit s’affirmer comme sujet. Cette approche ne vise pas l’inclusion des femmes dans un discours et un systĂšme dominants mais l’expĂ©rimentation par les femmes d’une nouvelle parole » s’inscrivant dans un langage propre Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme » lignes 5-6. Prendre la parole pour Annie Leclerc, c’est ainsi trouver sa place dans ce qui dĂ©termine l’énonciation en affirmant son moi, et c’est assumer ce que la parole impose l’abondance des indices personnels, Ă  commencer par le pronom je » qui parcourt tout le texte, mais aussi le pronom nous » Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme », ligne 22, permet de mettre en Ă©vidence la nĂ©cessaire Ă©mancipation des femmes face au monde des hommes Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme, ni pensĂ©e, ni parole, ni mot. Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas mĂȘme moi, surtout pas moi. lignes 1-2 ÉnoncĂ©e comme une opinion gĂ©nĂ©rale structurĂ©e autour de l’adverbe rien », cette phrase est posĂ©e pour vĂ©ritĂ© Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme ». La tonalitĂ© didactique et l’énonciation volontairement impersonnelle du dĂ©but permettent de formuler sur un ton qui semble objectif c’est un fait que rien n’existe » une critique acerbe contre les hommes. Les indices de la personne comme le pronom personnel moi renforcent dans la suite de la phrase la prĂ©sence de l’auteure dans son Ă©noncĂ© pas mĂȘme moi, surtout pas moi ». InfĂ©odĂ©e Ă  un code sexuel, pervertie par les rĂ©fĂ©rents imposĂ©s du pouvoir masculin, la parole des femmes est paradoxalement le produit de cette soumission mĂȘme Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas mĂȘme moi ». Elle doit donc s’en libĂ©rer afin d’ inventer une parole de femme », c’est-Ă -dire une Ă©criture de la diffĂ©rence qui passe par la perspective d’une transformation des rapports de savoir et des rapports de pouvoir permettant au discours fĂ©minin de s’autonomiser sous forme de littĂ©rature et de devenir ainsi une parole de femme. Il s’agit bien d’un positionnement dans l’argumentation, oĂč l’auteure se situe dans l’ici et le maintenant de son Ă©nonciation discours direct prĂ©sent de l’indicatif comme temps pivot, premiĂšre personne du singulier en se confrontant avec les hommes Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-lĂ  peut bien se fĂącher, elle rĂ©pĂšte. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dĂ©rober Ă  cette urgence extraordinaire inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste. lignes 5-8 Afin de dĂ©velopper son argumentation et notamment sa critique des savoirs constituĂ©s totalisants, l’auteure produit un discours pamphlĂ©taire qui met en avant une stratĂ©gie d’opposition pour se constituer dans un rapport d’altĂ©ritĂ© Ă  la culture dominante des hommes Je me dis » ≠ il est dit », ils ont dit » Nous avons fait » ≠ et eux », ils ont fait » Cette relation de confrontation entre un discours masculin qui se prĂ©tend comme lĂ©gitime et dominant il est dit que », et un discours fĂ©minin, met en Ă©vidence le point de vue des hommes qui sous couvert d’universel et de neutralitĂ©, dissimule en fait une profonde discrimination Ils ont dit que la vĂ©ritĂ© n’avait pas de sexe. Ils ont dit que l’art, la science et la philosophie Ă©taient vĂ©ritĂ©s pour tous » le point de vue du ils » renforcĂ© par le passĂ© composĂ© valeur d’accompli du passĂ© et les tournures anaphoriques a pour fonction modalisante d’installer la parole des hommes dans une logique circulaire et rĂ©pĂ©titive coupĂ©e de la rĂ©alitĂ© du monde la parole de l’homme [
] peut bien se fĂącher, elle rĂ©pĂšte » lignes 5-6 notez le lexique dĂ©valorisant. Nous aurions pu aussi Ă©tudier la tournure impersonnelle il est dit » dont l’aspect trĂšs dogmatique prend la forme d’une rĂšgle arbitraire imposĂ©e Ă  tous. Alors qu’une parole de femme est engagĂ©e dans le rĂ©el manger », boire », regarder le jour », porter la nuit », lignes 36-37, les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre » ligne 16 selon une logique rĂ©pĂ©titive, uniformisante et mortifĂšre. Ces considĂ©rations amĂšnent Ă©galement Ă  s’intĂ©resser aux nombreux Ă©lĂ©ments qui marquent subjectivement l’énoncĂ© et qui par consĂ©quent indiquent clairement au lecteur les directions argumentatives formulĂ©es. DerriĂšre cette opposition que nous notions entre le je/moi » et le ils/eux », se met en place un schĂ©ma dualiste amenant Ă  une nĂ©cessaire prise de conscience de soi par la recherche assumĂ©e d’une Ă©criture-femme qui cherche Ă  se dĂ©gager des stĂ©rĂ©otypes ce n’est donc pas l’égalitĂ© homme/femme qui est mise en avant mais la nĂ©cessitĂ© d’inventer une parole de femme. On sait que, traditionnellement, les femmes n’avaient pas droit Ă  la parole, l’homme Ă©tant l’autoritĂ© Ă©nonciative lĂ©gitime. Cette rĂ©alitĂ© de la femme silencieuse, dĂ©possĂ©dĂ©e de son identitĂ©, ayant pour tĂąche de prendre sur elle les soucis matĂ©riels afin de servir les prĂ©occupations intellectuelles de l’homme est rappelĂ© plusieurs fois dans le texte Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus rĂ©duite au silence. Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcĂ©e Ă  me taire. lignes 12-13 Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme. ligne. 22 Les tournures impersonnelles au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale Rien n’existe
 », Les choses de l’homme ne sont pas seulement
 Elles sont
 » permettent d’agir sur le lecteur la notion d’argumentation suppose en effet l’action d’un Ă©nonciateur sur un auditoire, qui vise Ă  modifier ses convictions et Ă  gagner son adhĂ©sion. L’argumentation cherche Ă  agir sur le destinataire en modifiant ses convictions ou ses prĂ©jugĂ©s thĂšse rĂ©futĂ©e, par un discours qui lui est adressĂ©, et qui vise Ă  le faire adhĂ©rer Ă  la thĂšse avancĂ©e. Dans cette perspective, l’étude de l’argumentation doit prendre en compte les stratĂ©gies de persuasion du texte, c’est-Ă -dire la maniĂšre dont l’auteure nous induit Ă  accepter sa thĂšse donner Ă  la parole de femme » son statut de parole autonome, raisonnĂ©e, en la situant hors du champ de la rhĂ©torique et de la dialectique masculines. Ce qui est marquant dans le passage, c’est l’énonciation rhĂ©torique les choix stylistiques, souvent d’ordre Ă©valuatif, permettent comme nous le verrons, de situer le discours de la femme par rapport Ă  des valeurs affectives fortes. C’est ainsi que le discours masculin, prĂ©tendument universaliste, inclusif et objectif, est montrĂ© comme cherchant Ă  gommer toute trace de l’énonciation fĂ©minine Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcĂ©e Ă  me taire. lignes 12-13 Par opposition, le discours subjectif dans lequel Annie Leclerc se situe explicitement C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste. » ligne 8 ou se pose implicitement Les hommes ont la parole. » passe par de nombreux jugements de valeur et un fort engagement Ă©motionnel Je n’ai pas oubliĂ© le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche
 Je les connais pour avoir vĂ©cu parmi eux et seulement parmi eux. Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus rĂ©duite au silence. lignes 10-12 La fonction dite Ă©motive ou expressive du langage, qui met l’accent sur le locuteur, vise ainsi Ă  une expression directe caractĂ©risĂ©e par l’intentionnalitĂ© le jugement de l’auteure transparaĂźt en effet dans l’énonciation par l’emploi des indices de jugement. Sans surprise, le lexique dĂ©prĂ©ciatif concerne les hommes. Ainsi, le vocabulaire affectif traduit la subjectivitĂ© par l’émotion et les sentiments manifestĂ©s Les choses de l’homme ne sont pas seulement bĂȘtes, mensongĂšres et oppressives. Elles sont tristes surtout, tristes Ă  en mourir d’ennui et de dĂ©sespoir. lignes 3-4 De mĂȘme, le recours Ă  l’ironie, utilisĂ©e comme procĂ©dĂ© rhĂ©torique, permet d’entraĂźner la complicitĂ© du lecteur Qui parle dans les gros livres sages des bibliothĂšques ? ligne 14 Une honnĂȘte femme ne saurait ĂȘtre un honnĂȘte homme. Une grande femme ne saurait ĂȘtre un grand homme, la grandeur est chez elle affaire de centimĂštres. lignes 19-20 Enfin, la modalitĂ© interrogative qui parcourt tout le texte met particuliĂšrement en valeur les questions rhĂ©toriques. Loin d’ĂȘtre une demande d’information, ces interrogations comme le suggĂšre leur formulation mĂȘme, n’attendent pas de rĂ©ponse, ce qui accentue plus encore la vĂ©racitĂ© des faits dĂ©noncĂ©s Qui parle ici ? ligne 9 Qui a jamais parlĂ© ? ligne 9 Qui parle dans les gros livres ? ligne 14 Pourquoi la VĂ©ritĂ© sortirait-elle de la bouche des hommes ? lignes 29-30 Ces questions, associĂ©es frĂ©quemment Ă  des procĂ©dĂ©s d’amplification et de gradation anaphores rhĂ©toriques, montrent un trĂšs net engagement Ă©motionnel de l’auteure et permettent d’interpeller le lecteur, de l’impliquer et de le responsabiliser. _ B/ Un blĂąme contre les hommes En accentuant la disposition Ă  l’action et Ă  l’engagement, le texte d’Annie Leclerc cherche Ă  renforcer l’adhĂ©sion des lecteurs aux valeurs qu’elle exalte. Ainsi le discours Ă©pidictique, combinĂ© aux procĂ©dĂ©s oratoires et rhĂ©toriques, est-il largement dominant. Le discours Ă©pidictique AppelĂ© Ă©galement discours dĂ©monstratif, le discours Ă©pidictique fait l’éloge ou le blĂąme d’une personne ou d’une idĂ©e. Il se propose d’entraĂźner l’adhĂ©sion de l’auditoire aux valeurs qu’il exalte en combinant les moyens de l’art oratoire, notamment l’amplification, et la rigueur de l’argumentation dĂ©monstrative. Mais pour faire l’éloge d’une parole de femme, encore faut-il montrer les insuffisances de la parole des hommes. Annie Leclerc leur reproche tout d’abord de produire de l’exclusion. Le sexisme s’affiche ainsi Ă  tous les niveaux, Ă  commencer par la culture. En dĂ©pit de la volontĂ© affichĂ©e d’universalitĂ©, l’assignation sociale des femmes Ă  la sphĂšre privĂ©e Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme » alimente la logique d’homologation des contenus enseignĂ©s Ă  une norme masculine faisant largement consensus Qui parle ici ? Qui a jamais parlĂ© ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oubliĂ© le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche
 Je les connais pour avoir vĂ©cu parmi eux et seulement parmi eux. lignes 9-12 En outre, l’idĂ©e selon laquelle les hommes doivent ĂȘtre plus reprĂ©sentĂ©s entretient un rapport de domination et apparente la sous-reprĂ©sentation des femmes Ă  une certaine idĂ©e de la norme fĂ©miniser les savoirs enseignĂ©s reviendrait en premier lieu Ă  ĂŽter tout fondement Ă  la tradition des savoirs enseignĂ©s et aux stĂ©rĂ©otypes culturels en les rendant discutables. OubliĂ©es comme sujet, les femmes sont dĂšs lors rĂ©duites Ă  une identitĂ© assignĂ©e d’objet selon une logique discriminante qui prouve la difficultĂ© de la sociĂ©tĂ© Ă  penser l’universel en incluant les femmes. Face au relativisme culturel, les hommes reprĂ©sentent ainsi l’universalisme du savoir. Par ailleurs, en associant le fĂ©minin au mal m’ont forcĂ©e Ă  me taire » ; Une honnĂȘte femme ne saurait ĂȘtre un honnĂȘte homme. Une grande femme ne saurait ĂȘtre un grand homme », le discours masculin pratique une forme de sĂ©grĂ©gation action de sĂ©parer un groupe social des autres en le traitant plus mal. Ainsi, les femmes n’ont-elles pas accĂšs aux lieux de pouvoir Qui parle dans les gros livres sages des bibliothĂšques ? Qui parle au Capitole ? Qui parle au temple ? Qui parle Ă  la tribune et qui parle dans les lois ? lignes 14-15 Annie Leclerc s’en prend en effet trĂšs violemment Ă  la misogynie, comme en tĂ©moigne ce chiasme Figure de style qui consiste Ă  placer deux groupes de mots dans un ordre inversĂ© Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde » ligne 18, condamnation sans appel qui fait presque de la parole masculine l’équivalent d’une parole divine omnipotente, inique puisqu’elle rĂ©duit les femmes au silence. L’utilisation du prĂ©sent de gĂ©nĂ©ralitĂ© est Ă©videmment importante ici selon Annie Leclerc, le monde est bien la parole des hommes, depuis les origines de la Civilisation. L’auteure veut montrer par lĂ  que les hommes se sont presque arrogĂ©s la parole divine, ce qui explique la suite des comparaisons qu’il s’agisse du Capitole, qui est une allusion Ă  l’antiquitĂ© romaine, de la Tribune qui fait rĂ©fĂ©rence au monde politique, ou du Temple, condamnation sans appel des dogmes religieux, les hommes ont toujours monopolisĂ© l’espace de parole. Ainsi, la misogynie est prĂ©sente partout, et de tout temps, aussi bien dans l’univers sacrĂ© et religieux, que dans l’univers profane. – 2 LE FÉMINISME D’ANNIE LECLERC une double conquĂȘte de l’identitĂ© et de l’écriture A/ Le refus des universalismes P our Annie Leclerc, l’enjeu de la sexualitĂ© masculine a Ă©tĂ© trop souvent de dominer la femme, non par nature, mais culturellement. Ce constat, influencĂ© par Simone de Beauvoir Le DeuxiĂšme sexe, 1949 et par l’Ɠuvre de l’écrivaine fĂ©ministe amĂ©ricaine Kate Millett Sexual Politics, 1970 ; La Politique du mĂąle, 1971 implique l’idĂ©e de l’identitĂ© sexuelle, non comme fondement biologique, mais comme construction socioculturelle ainsi l’homme, en tant que sujet », a de tout temps maintenu la femme dans une position de subordination selon la raison du plus fort », faisant d’elle un objet » incapable d’assumer sa libertĂ© Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme. Ils ont fait naĂźtre l’universel du particulier. Et l’universel a portĂ© le visage du particulier. L’universalitĂ© fut dĂ©sormais leur tour favori. Le dĂ©cret parut lĂ©gitime et la loi parut bonne une parole pour tous. [
] Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel. » lignes 22-24 ; 28 Contre cet universalisme, la position d’Annie Leclerc est que les femmes doivent revendiquer le droit de parler et celui d’écrire d’une maniĂšre spĂ©cifique, qui Ă©chappe Ă  l’universel de fait, l’universalisme n’est en fait qu’un particularisme gĂ©nĂ©ralisĂ© Et l’universel a portĂ© le visage du particulier. ». La femme doit donc trouver sa voie, mais aussi sa voix » en crĂ©ant un espace de parole ouvrant de nouveaux espaces de signification et de sens. Cela ne va pas [
] de pair avec un afflux de paroles » ces superbes parleurs » ; Assourdissant tumulte des grandes voix » , mais peut au contraire s’accommoder d’une forme de retenue »ÂČ valorisant la franchise et la sincĂ©ritĂ© La vĂ©ritĂ© » n’existe que parce qu’elle opprime et rĂ©duit au silence ceux qui n’ont pas la parole. Non, non je ne demande pas l’accĂšs Ă  la vĂ©ritĂ© sachant ĂŽ combien c’est un puissant mensonge inventĂ© par l’homme. Je ne me donne que la parole, plus sincĂšre, plus honnĂȘte. passage non citĂ© dans le texte Ă©tudiĂ© Un aspect essentiel du fĂ©minisme diffĂ©rentialiste est prĂ©cisĂ©ment la dĂ©nonciation de l’universalisme masculin, Ă  la base de stĂ©rĂ©otypes sexistes sans fondement rationnel Ils ont dit que la vĂ©ritĂ© n’avait pas de sexe. Ils ont dit que l’art, la science et la philosophie Ă©taient vĂ©ritĂ©s pour tous. [
] Pourquoi la VĂ©ritĂ© sortirait-elle de la bouche des hommes ? » lignes 28-30 Cette stĂ©rĂ©otypisation des contenus enseignĂ©s est donc pour Annie Leclerc une rĂ©gression de la sociĂ©tĂ© elle conduit Ă  l’impermĂ©abilitĂ©, Ă  l’uniformitĂ©, Ă  la stagnation du savoir. Bien plus, cette exclusion des femmes du champ de la visibilitĂ© culturelle lĂ©gitime l’enseignement et la transmission de savoirs figĂ©s Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche » et sert implicitement de justification Ă  tous les discours misogynes. La sous-reprĂ©sentation des femmes dans les contenus enseignĂ©s est d’abord le problĂšme d’une sociĂ©tĂ© qui refuse, au nom de l’universalisme Ă©galitaire, le respect des diffĂ©rences paradoxalement, la violence de genre est favorisĂ©e par l’institution qui, en vĂ©hiculant une certaine idĂ©e de la norme, contribue Ă  figer des modĂšles de comportement rĂ©sultant de processus de socialisation discriminatoires. Plus largement, l’idĂ©al civilisationnel issu des LumiĂšres Universalisme, intĂ©gration des cultures, assimilation, entraĂźne le refus du mĂ©tissage culturel, au nom d’une norme assimilationniste et universaliste Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants, fut nourri, gavĂ©, de son produit de base, la vĂ©ritĂ© et ses sous-produits, Ăąme, raison, valeurs
 Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel. lignes 26-28 Dans ce passage, le refus des particularismes ethniques Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants » relĂšve de la mĂȘme logique que le refus d’admettre une parole de femme », Ă  savoir l’inclusion du singulier non dans la pluralitĂ©, mais dans son unicitĂ© discriminante, garante de la raison universelle » Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel ». Toute la question pour Annie Leclerc est de se demander si les hommes prennent vraiment en compte la communication vĂ©ritable, la parole rĂ©elle ? En ce sens, comme nous le verrons dans notre troisiĂšme partie, guider vers la vĂ©ritĂ© ne relĂšve-t-il pas davantage d’un cheminement intĂ©rieur, d’un travail de rĂ©flexion et de questionnement, que de l’imposition d’une parole aussi unique qu’imperturbable ? De fait, aveuglĂ©s par leur idĂ©al d’universalitĂ©, par l’idĂ©ologie de la performance, du tout communiquant », d’une parole sans limites et omnipotente [qui a le caractĂšre de la toute-puissance], les hommes ont oubliĂ© le sens de l’échange vĂ©ritable. Ainsi utilisent-t-ils bien souvent le discours Ă  vide. Or, parler juste pour parler dans les gros livres sages des bibliothĂšques », au Capitole », au temple », Ă  la tribune », ou dans les lois » lignes 14-15, n’est-ce pas passer Ă  cĂŽtĂ© de l’essentiel nous amener Ă  un vĂ©ritable enseignement, nous faire rĂ©flĂ©chir Ă  la vie en gĂ©nĂ©ral ou nous apprendre quelque chose sur nous-mĂȘme ? De ce constat dĂ©coulent trois consĂ©quences directes PremiĂšrement, rĂ©aliser que les discours dominants jusqu’à prĂ©sent, notamment en matiĂšre de culture, relĂšvent d’une perception masculine qui s’est prĂ©tendue universelle et qui conduit au dogmatisme il s’agit donc de sortir de l’illusion de l’universalisme du discours masculin. Par ailleurs, si les diffĂ©rences entre hommes et femmes relĂšvent, comme nous l’avons vu, d’une construction socioculturelle, il est dĂšs lors nĂ©cessaire de rĂ©inventer la femme », c’est-Ă -dire de revendiquer une Ă©criture femme » permettant de sortir des dualismes Ă©troits influencĂ©s par une conception normative de l’écriture comprenons que pour Annie Leclerc, l’universel ne se dĂ©crĂšte pas, il se construit dans la relation, entraĂźnant ainsi une modification radicale des conceptions symboliques liĂ©es au rapport entre masculin et fĂ©mininÂł ; Enfin changer les reprĂ©sentations Ă  l’égard des femmes en lĂ©gitimant la perspective diffĂ©rentialiste, seule apte Ă  mettre en question les reprĂ©sentations symboliques et culturelles. En pointant la relativitĂ© des discours masculins qui se percevaient pourtant comme universels, Annie Leclerc se prĂ©occupe donc de revaloriser tout ce qui s’attache traditionnellement au fĂ©minin, et qui lui semble prĂ©cieux non seulement pour les femmes mais pour la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre, que de s’emparer des prĂ©rogatives des hommes » source Car Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre », ligne 16. Comme nous le voyons, Ă  la diffĂ©rence de Simone de Beauvoir cf. Le DeuxiĂšme Sexe, avec sa tendance Ă©galitariste » et universaliste » visant Ă  l’abolition de la diffĂ©rences des sexes, le courant diffĂ©rentialiste » dont l’extrait est trĂšs reprĂ©sentatif, vise Ă  dĂ©fendre la fĂ©minitĂ© » de la femme. Annie Leclerc reprochait en effet Ă  Simone de Beauvoir son adhĂ©sion excessive aux valeurs masculines ». Dans le texte au contraire, l’auteure s’adresse aux femmes et les incite Ă  revendiquer leur fĂ©minitĂ©. Elle laisse entendre en effet que le fĂ©minisme est une idĂ©e d’origine masculine qui renie la fĂ©minitĂ© elle-mĂȘme. Elle souligne ainsi que la dĂ©valorisation des tĂąches maternelles ou mĂ©nagĂšres dont le fĂ©minisme de l’époque se fait Ă©cho n’est en fait qu’un concept purement masculin source CNED AcadĂ©mie en ligne. Comme elle l’affirme, Ce n’est pas soigner sa maison, ou prendre soin de ses enfants qui est dĂ©gradant, non absolument pas mais c’est le regard que l’homme et la moitiĂ© de l’humanitĂ© regarde de haut, pire ne regarde mĂȘme pas ». VoilĂ  ce qui explique dans le texte la prĂ©sence de termes appartenant au champ lexical de l’univers domestique et intimiste Je voudrais que la femme apprenne Ă  naĂźtre, Ă  manger, et Ă  boire, Ă  regarder le jour et Ă  porter la nuit
 » Lignes 36-37 C’est pourquoi, si Annie Leclerc revendique certes la libertĂ© d’avoir accĂšs, autant qu’un homme, Ă  ce qui compte socialement, elle se mĂ©fie du pouvoir », car il rĂ©primerait la fĂ©minitĂ© mĂȘme de la femme en gommant les diffĂ©rences et en uniformisant les individus. Plus que d’affronter ouvertement l’ordre social, le fĂ©minisme de la diffĂ©rence » est une revendication de l’altĂ©ritĂ© de la femme et une reconnaissance de sa singularitĂ© par la parole. L’écriture fĂ©minine, en valorisant une identitĂ© sexuĂ©e, est donc une Ă©tape essentielle de l’identitĂ© fĂ©minine parce qu’elle permet de mettre en question l’universalisme, en tant qu’instrument de domination sociale. En accĂ©dant Ă  l’écriture, les femmes obligent ainsi le pseudo-universel Ă  avouer sa partialitĂ© fonder la domination masculine sous les traits hĂ©gĂ©moniques de l’universel masculin. _ B/ La nĂ©cessitĂ© d’une prise de conscience parole et identitĂ© fĂ©minine C ette double conquĂȘte de l’identitĂ© et de l’écriture est l’occasion pour la femme de s’établir comme sujet, de s’écrire autre que ne l’ont Ă©crite les hommes, non plus de l’extĂ©rieur mais de l’intĂ©rieur. Le corps fĂ©minin est, plus que le corps masculin, morcelĂ© dans la littĂ©rature masculine. Le corps senti, et non pas vu, reconquiert ainsi dans le texte son unitĂ© » source cela signifie se dĂ©gager des stĂ©rĂ©otypes romanesques qui voient dans la femme un bel objet » de littĂ©rature. Pour Annie Leclerc, l’écriture est donc le lieu d’une reconquĂȘte par la femme de son propre corps regarder le jour
 porter la nuit », signifie que la femme peut partir Ă  la dĂ©couverte d’elle-mĂȘme, Ă  la reconquĂȘte de son corps et de son dĂ©sir d’affirmer ce qu’elle pense vraiment. La conquĂȘte d’une parole de femme, c’est-Ă -dire d’une Ă©criture fĂ©minine dans sa particularitĂ© et sa spĂ©cificitĂ© mĂȘmes, participe Ă  cette quĂȘte d’identitĂ©, quĂȘte humaniste d’un nouveau vivre ensemble. Il faut donc une prise de conscience » par la femme de son apport Ă  la crĂ©ation littĂ©raire ; l’écriture devient un moyen lĂ©gitime de se distinguer des hommes et de rĂ©inventer une culture permettant aux femmes de changer le monde La VĂ©ritĂ© peut sortir de n’importe oĂč. Pourvu que certains parlent et d’autres se taisent. La VĂ©ritĂ© n’existe que parce qu’elle opprime et rĂ©duit au silence ceux qui n’ont pas la parole. » lignes 31-32 Annie Leclerc, dans Je parlerai de moi 2004, qui est le dernier texte qu’elle Ă©crira avant sa mort, affirme J’ai Ă©crit ainsi Parole de femme. On ne savait pas oĂč le ranger est-ce un essai ? Est-ce de la philosophie ? Est-ce de la poĂ©sie ? C’est tout cela, et ça m’est bien Ă©gal qu’on ne sache pas le ranger. [
] À ma maniĂšre, je m’occupe de tout ce qui a Ă©tĂ© passĂ© sous silence, et les plus grands font cela je suis un peu prĂ©tentieuse !
 La premiĂšre injonction faite aux femmes est tais-toi. Occupe-toi des enfants, de les amener Ă  l’ñge adulte, surtout de faire des petits garçons, de fabriquer des soldats. Occupe-toi de les mettre au monde, de les nourrir, de les Ă©duquer dans le bon sens, et tais-toi. C’est pourquoi j’avais appelĂ© mon livre Parole de femme, car la premiĂšre subversion des femmes, peut-ĂȘtre la plus importante, est la parole. [
] Alors, suffit ! Il faut qu’elles disent ce qu’elles en pensent, et ne se contentent pas [
] de se plaindre, de dire qu’elles n’ont pas la bonne part. Prendre la parole, c’est s’occuper de dire ce qu’on en pense ». Dire ce qu’on en pense » selon les termes d’Annie Leclerc, c’est donc dĂ©fendre le fĂ©minin » en Ă©criture [
] par l’imposition sur la scĂšne littĂ©raire du droit des femmes Ă  symboliser ce qui leur a toujours Ă©tĂ© interdit par les hommes »⁎ la parole. Comme le note trĂšs remarquablement BĂ©atrice Slama, Pour une femme, Ă©crire a toujours Ă©tĂ© subversif elle sort ainsi de la condition qui lui est faite et entre comme par effraction dans un domaine qui lui est interdit. La LittĂ©rature est aventure de l’esprit, de l’universel, de l’Homme de l’homme. C’est affaire de talent et de gĂ©nie, donc ce n’est pas une affaire de femme. [
] On leur a longtemps fixĂ© des limites, concĂ©dĂ© des territoires la lettre-conversation et le roman fĂ©minin, la plainte de la mal mariĂ©e et la chronique du quotidien, les dĂ©licatesses du cƓur et les dĂ©chirures de la passion. On a voulu y voir des ouvrages de dames ». Quand des femmes sont sorties de ces limites et de ces territoires, quand il a fallu leur reconnaĂźtre talent et gĂ©nie, on a cherchĂ© la paternitĂ© » de leurs Ɠuvres l’amant, l’ami, le conseiller ou admirĂ©, leur mĂąle pensĂ©e » antennes qui vibrent aux idĂ©es d’autrui » ou femmes hommes » femmes par le cƓur, hommes par le cerveau »⁔. Écrire s’apparente donc Ă  une conquĂȘte de l’identitĂ©. Il y a une claire revendication politique et sociale, et surtout une revendication identitaire l’écriture fĂ©minine comme stratĂ©gie de libĂ©ration. En devenant sujet, la femme passe Ă  l’Histoire et participe Ă  la mĂ©moire collective. Ainsi l’écriture incarne-t-elle pour Annie Leclerc la revendication des valeurs fĂ©minines. En se dĂ©partissant de plus en plus de l’arrogance machiste traditionnelle pour repenser le sens du lien social, cette parole de femme », fortement ancrĂ©e dans l’affectivitĂ© et l’attention Ă  autrui, dĂ©place les frontiĂšres Ă©tablies entre les sphĂšres privĂ©e et publique. En fait, il faut comprendre que le texte d’Annie Leclerc pose ici, bien avant la lettre, les fondements d’une Ă©thique fĂ©ministe —le care— comme l’attention, le souci, la responsabilitĂ©, les sentiments et les Ă©motions. Mais ne nous y trompons pas il ne faudrait pas interprĂ©ter le texte comme un retour de valeurs fĂ©minines de maternage dans la sociĂ©tĂ© ! Il ne s’agit en rien d’une dĂ©valorisation, bien au contraire la volontĂ© d’utiliser la fĂ©minitĂ© assigne Ă  la perception du particulier et aux sentiments moraux une importance dĂ©cisive dans l’agir moral »⁶. Le care » comme Ă©thique fĂ©ministe Care en Anglais signifie prendre soin, Ă©prouver de l’attention envers autrui. Ce terme est Ă  l’origine d’un courant de pensĂ©e qu’on dĂ©signe souvent sous le nom d’éthique du care, c’est-Ă -dire la volontĂ© d’inclure dans les discours rationnels » masculins, un discours plus spĂ©cifiquement fĂ©minin valorisant la sensibilitĂ©, l’attention portĂ©e aux individus et au particulier. Une idĂ©e essentielle du Care touche Ă  la mise en question de l’universalisme et Ă  la revendication d’une spĂ©cificitĂ© fĂ©minine. Plus prĂšs de nous, la psychologue Carol Gilligan a publiĂ© un best-seller intitulĂ© In a Different Voice Flammarion, 1986 dans lequel elle revendique que les femmes ont une vision diffĂ©rente des choses, apte Ă  repenser le politique. À n’en pas douter, la pensĂ©e d’Annie Leclerc a grandement contribuĂ© Ă  ces nouveaux questionnements. Au modĂšle Ă©gocentrique du machisme tournĂ© vers la performance Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre », domine un autre modĂšle apte Ă  repenser la sociabilitĂ© celui du moi en relation avec les autres, Ă©criture de rencontre et de partage, Ă©criture sublimĂ©e qui confĂšre aux mots un pouvoir et une puissance extrĂȘmes. Pour dĂ©noncer la violence des hommes, Annie Leclerc conjugue en effet l’intensitĂ© d’un langage souvent transgressif et la pudeur d’une prose intimiste, proprement fĂ©minine, oĂč sont remis en cause l’organisation rationnelle et le clivage entre le rĂ©el et le surnaturel, la raison et l’imaginaire »⁷ ; Ă©criture permettant ainsi un passage frĂ©quent du discours polĂ©mique au dĂ©voilement poĂ©tique. – 3 LA DIMENSION POÉTIQUE DU TEXTE A/ Une revendication qui passe par le langage poĂ©tique Le passage prĂ©sentĂ© met fortement l’accent sur la fonction poĂ©tique du langage. La tonalitĂ© lyrique, aisĂ©ment reconnaissable Ă  la prĂ©sence personnelle de l’auteure et Ă  l’émotion qu’elle veut communiquer Ă  ses lecteurs, sert la visĂ©e argumentative du texte. Le registre lyrique est associĂ© comme nous l’avons vu Ă  une forte tonalitĂ© oratoire, apte Ă  toucher et Ă  sensibiliser ampleur de la phrase, choix Ă©vocateur des images. Ce qu’on peut noter de prime abord, c’est combien l’accent est mis sur le caractĂšre spontanĂ© », direct », prosaĂŻque, ordinaire de cette parole de femme » point de mots grandiloquents issus des livres sages des bibliothĂšques ». On a davantage l’impression que l’auteure Ă©crit, simplement et pudiquement, Ă  la premiĂšre personne, pour se faire entendre d’un destinataire absent. L’écrit ressemblerait presque Ă  une confession, proche parfois du journal intime, du monologue intĂ©rieur Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas mĂȘme moi, surtout pas moi. » lignes 1-2 ; C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste » ligne 8. De fait, le texte peut se lire comme un long poĂšme en prose. De nombreux passages par exemple sont traversĂ©s par un projet d’autobiographie ou du moins de biographie Ă©crite qui confĂšre aux phrases une tonalitĂ© trĂšs intimiste, presque confidentielle. Ainsi que nous l’avons notĂ©, l’emploi du pronom personnel Je confĂšre une autoritĂ© et une authenticitĂ© aux paroles prononcĂ©es C’est une folie, j’en conviens »  Je voudrais que la femme apprenne
 ». À ce titre, on peut rappeler la forte modalisation du discours que nous Ă©voquions dans notre premiĂšre partie Annie Leclerc rĂ©vĂšle souvent dans son Ă©noncĂ© son point de vue, c’est-Ă -dire ses prĂ©fĂ©rences, ses opinions, ses sentiments, ses sensations. L’énoncĂ© contient alors des traces, des indices de cette subjectivitĂ©, ce qui accentue le caractĂšre personnel et lyrique du texte procĂ©dĂ©s lexicaux verbes d’opinion associĂ©s Ă  l’amplification et Ă  l’exagĂ©ration m’ont rĂ©duite au silence
 m’ont forcĂ©e Ă  me taire », adjectifs d’intensitĂ© bĂȘtes, mensongĂšres et oppressives » notez la gradation ternaire ; procĂ©dĂ©s grammaticaux conditionnel Je voudrais », tournures interrogatives oratoires ; procĂ©dĂ©s stylistiques hyperboles le monde est la parole de l’homme », mĂ©taphores Le monde entier, Blancs, Noirs, Jeunes, femmes et enfants, fut nourri, gavĂ©, de son produit de base, la vĂ©ritĂ© et ses sous-produits, Ăąme, raison, valeurs
 Le tout toujours garanti, estampillĂ© Universel », antiphrases grands parleurs », ces superbes parleurs », jeux de mots Une grande femme ne saurait ĂȘtre un grand homme », Nous avons fait les enfants, et eux, ils ont fait l’Homme », etc. Ces marques de modalisation renforcent donc l’intensitĂ© des sentiments. La langue, trĂšs recherchĂ©e malgrĂ© l’apparente simplicitĂ© est souple, ondulante, sonore Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-lĂ  peut bien se fĂącher, elle rĂ©pĂšte. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dĂ©rober Ă  cette urgence extraordinaire inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste. lignes 5-8 Qui parle ici ? Qui a jamais parlĂ© ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oubliĂ© le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche
 » lignes 9-11 Dans ces passages oĂč se conjuguent autobiographie, philosophie et poĂ©sie, Annie Leclerc emploie un style particuliĂšrement ample cf. plus particuliĂšrement le et » emphatique soulignĂ© en gras qui permet au lecteur d’entrer dans la subjectivitĂ© de l’auteure, d’en ressentir les doutes, les passions, la colĂšre, les dĂ©sirs. Je voudrais que la femme apprenne Ă  naĂźtre, Ă  manger, et Ă  boire, Ă  regarder le jour et Ă  porter la nuit
 Notez l’organisation rythmique de la phrase, presque musicale, construite pour mettre en valeur le lyrisme des images et les connotations des mots le mĂ©lange des termes prosaĂŻques —manger, boire— et des mots poĂ©tiques, rattache la femme au maternel et au temps —naĂźtre, jour, nuit— affamĂ©e et assoiffĂ©e de renouveau manger », boire », c’est elle qui donne le jour et qui porte » la nuit comme si elle portait le monde. Ces derniĂšres images, empreintes d’un profond symbolisme, expriment des sentiments qui ont Ă  la fois une dĂ©notation propre apprenne Ă  naĂźtre » = se dĂ©barrasser des prĂ©jugĂ©s mais surtout un signifiĂ© de connotation qui place la femme, par mĂ©taphore », au sein d’un conditionnel de rĂȘve —je voudrais— puisqu’il s’agit d’inventer une parole Ă©troitement associĂ©e Ă  un renouveau humaniste. La dimension poĂ©tique du passage, en constituant une place Ă  l’intime, n’amĂšne pas seulement Ă  faire entendre une parole de femme rĂ©fractaire Ă  l’universalisation des savoirs, mais Ă  faire vibrer dans toute sa plĂ©nitude le fĂ©minin dont il s’agit plus fondamentalement de reconnaĂźtre la fonction Ă©thique et sociale. Cette prise de conscience d’une identitĂ© fĂ©minine revendique en effet la recherche d’un nouveau sens, qui prend les dimensions d’une urgence extraordinaire » Inventer, est-ce possible ? » Avec poĂ©sie et sensibilitĂ©, Annie Leclerc s’attache donc Ă  exprimer les nuances multiples de l’identitĂ© fĂ©minine par un discours qui passe frĂ©quemment par la rencontre de la femme avec sa propre intimitĂ© qui est aussi sa plus intime altĂ©ritĂ© apprendre Ă  se regarder autrement. Si la parole des femmes peut rendre le monde plus lisible, c’est en se constituant comme l’indicible point d’intersection oĂč se nouent en elle le moi le plus intime l’intimitĂ© d’une femme, sa propre intimitĂ© et les exigences les plus universalistes Ă  la fois journal intime et journal extime, rĂ©quisitoire et plaidoyer, Ă©criture profonde et spontanĂ©e, Ă  l’écoute de la plus secrĂšte intĂ©rioritĂ© mais aussi des bruits du monde. En fait, la dimension poĂ©tique que nous notions, en constituant une place Ă  l’intime, ne consiste pas seulement Ă  faire entendre une parole de femme rĂ©fractaire Ă  l’universalisation des savoirs, mais Ă  faire vibrer dans toute sa plĂ©nitude le fĂ©minin dont il s’agit de reconnaĂźtre la fonction Ă©thique et sociale voir plus haut Le care »comme Ă©thique fĂ©ministe dans la quĂȘte du sens comme en tĂ©moigne cet autre passage de l’essai d’Annie Leclerc Un jour peut-ĂȘtre, ce sera la FĂȘte. Nous serons ensemble et confondus. Les taquineries, les caresses et les rires feront la ronde des vieillards aux enfants, des enfants aux adultes, des filles aux garçons, et de tous Ă  tous. Les bouches fraĂźches baiseront les joues fanĂ©es. Les bras rhumatisants et lourds entoureront les vigoureuses Ă©paules. Et nous partagerons les fruits, le lait de nos labeurs. – B/ Un hymne Ă  la vie P our Annie Leclerc, ce dont les femmes ont Ă©tĂ© intimement le plus privĂ©es, c’est de la vie elle-mĂȘme la vie n’est pas constituĂ©e de rĂ©ponses toutes faites, simplificatrices et dogmatiques, elle est le fruit d’un cogito hermĂ©neutique qui amĂšne consĂ©quemment Ă  se chercher et Ă  essayer de se comprendre dans l’acte d’écriture. Il n’est que de songer Ă  cet autre extrait de Parole de femme, dans lequel l’auteure affirme Que je dise d’abord, d’oĂč je tiens ce que je dis. Je le tiens de moi, femme, et de mon ventre de femme. Car c’est bien dans mon ventre que cela dĂ©buta, par de petits signes lĂ©gers, Ă  peine audibles lorsque je fus enceinte. Et je me suis mis Ă  l’écoute de cette voix timide qui poussait, heureuse, Ă©merveillĂ©e, en moi. Et j’entendis une parole extraordinaire [
] » Si la parole est ainsi au centre de la thĂ©orie fĂ©ministe, c’est qu’elle est l’expression du corps, Ă  la fois comme lieu d’une parole renouvelĂ©e et comme mĂ©taphore Ă  la venue Ă  l’écriture au fĂ©minin [
]. [L]’écriture fĂ©minine se veut crĂ©ation, exhortation Ă  la crĂ©ation, traversĂ©e de la chape de plomb du discours dominant, de la culture aux mains des hommes, et invention de langage, exploration d’un style autre, d’une autre voiex »⁞. Ces trĂšs riches remarques de Patricia Godi-Tkatchouk montrent bien que pour les femmes, la parole est comme une naissance Ă  soi-mĂȘme, une façon d’apprendre Ă  vivre. Paradoxalement, la survalorisation des flux de paroles comme fin en soi, qui imprĂšgne la culture masculine dominante, a dĂ©personnalisĂ© les rapports humains. Comme nous le comprenons, l’un des dangers est que l’échange ne se fasse plus par le langage, par la parole, mais par la force et l’arbitraire qui s’attribuent par le moyen des mots, un statut de fin. Dans un autre passage de Parole de femme, Annie Leclerc Ă©voque l’harmonie de nos rimes », c’est-Ă -dire la pure expression du besoin de s’exprimer, de rompre le silence, de franchir des barriĂšres de langage, levĂ©es des censures sur le corps, donc des jouissances et ses douleurs, le dĂ©sir [
], l’accouchement ; le rapport Ă  la mĂšre ; Ă  la nourriture ; l’enfermement et le dĂ©sir paniquĂ© de sorties et d’envol, rĂȘves de naissances et de traversĂ©es »âč. L’extrait Ă©tudiĂ© est caractĂ©ristique de cette quĂȘte poĂ©tique et symbolique questionner le mystĂšre infini de la vie, voilĂ  le sens de la parole pour Annie Leclerc. Le registre Ă©motionnel et intimiste sur lequel se clĂŽt le passage, presque Ă©crit sur une veine confessionnelle, peut donc se lire comme une invitation jubilatoire faite Ă  la femme d’assumer sa propre sensibilitĂ©, mais Ă©galement sa fĂ©minitĂ© » porter la nuit » comme une femme porte un enfant », n’est-ce pas servir la cause mĂȘme de la vie ? N’est-ce pas s’affirmer comme sujet ? Cette derniĂšre image qui est comme une revendication de sa fĂ©minitĂ© par la femme, emmĂšne le lecteur dans un voyage au cƓur des mots, oĂč la parole fait vivre la libertĂ© d’imaginer et de crĂ©er, oĂč la voix s’exprime dans un jeu d’ombres et de lumiĂšre regarder le jour
 porter la nuit
 ». Images profondĂ©ment lyriques et poĂ©tiques assez improbables
 Annie Leclerc est d’ailleurs consciente de l’immensitĂ© de la tĂąche qui exige de ne pas enfermer la femme dans un concept clos. La fin du texte rĂ©sonne en effet comme un appel. La vĂ©ritable culture est celle de la nature et de la vie mĂȘmes, oĂč les mots n’ont pas l’air de se faire la guerre ». Apprendre Ă  naĂźtre, Ă  manger, et Ă  boire, Ă  regarder le jour et Ă  porter la nuit », c’est pour la femme renaĂźtre au monde dans l’acte de la communion du monde, qui est aussi une connaissance du monde » il faut apprendre Ă  naĂźtre », tant il est vrai que toute connaissance est une nouvelle naissance. NaĂźtre Ă  soi-mĂȘme par l’écriture, pour mieux ĂȘtre Ă  soi-mĂȘme, n’est-ce pas lĂ  le message du texte ? Le fĂ©minisme d’Annie Leclerc se conjugue ainsi avec un humanisme Ă  rĂ©inventer. – CONCLUSION Les propos d’Annie Leclerc dans ce passage de Parole de femme se situent sur deux registres celui de la revendication militante et fĂ©ministe ; et celui du sensible, de l’intime, du lyrisme personnel. Son inspiration, qui puise aux sources du corps et de l’expĂ©rience fĂ©minine, explore ainsi les paramĂštres d’une Ă©criture-femme, pleinement assumĂ©e, qui caresse l’énigme d’un moi fĂ©minin, intĂ©grĂ© Ă  une nouvelle maniĂšre de penser, invalidĂ©e du rĂ©fĂ©rent masculin. Cette Ă©criture s’impose ainsi comme une vĂ©ritable stratĂ©gie de libĂ©ration, qui s’apparente Ă  une revendication identitaire Ă©crire, c’est exister. S’assimiler Ă  la culture des hommes, c’est prĂ©cisĂ©ment ne pas prendre la parole. L’attachement d’Annie Leclerc Ă  une parole de femme » est donc comme la cĂ©lĂ©bration d’une nouvelle naissance amenant la femme Ă  naĂźtre Ă  elle-mĂȘme. Mais le rĂŽle de cette parole de femme est aussi de tĂ©moigner de l’invisible, de celles qui se taisent » tandis que certains parlent ». À cet Ă©gard, le texte n’est-il pas aussi une rĂ©ponse Ă  un monde qui ne sait plus communiquer, et dont les bruits incessants ne sont que d’inutiles paroles ? Ainsi, le fĂ©minisme doit-il ĂȘtre conçu non comme une revendication catĂ©gorielle, mais comme un bouleversement des valeurs qui gouvernent la sociĂ©tĂ© inventer, est-ce possible » ? À n’en pas douter, inventer la femme consiste Ă  rĂ©inventer l’homme en construisant un monde plus Ă©quitable, apte Ă  promouvoir des changements significatifs et Ă  repenser les enjeux du pouvoir. En ce sens le fĂ©minisme est posĂ© comme une condition essentielle d’un nouvel humanisme, c’est-Ă -dire d’une nouvelle idĂ©e de l’homme et de la femme
 Copyright © mars 2016, Bruno Rigolt. DerniĂšre rĂ©vision du texte lundi 28 mars 2016 1721 Netiquette comme pour l’ensemble des textes publiĂ©s dans l’Espace PĂ©dagogique Contributif, cet article est protĂ©gĂ© par copyright. Ils est mis Ă  disposition des internautes selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification France. La diffusion publique est autorisĂ©e sous rĂ©serve de mentionner le nom de l’auteur ainsi que la rĂ©fĂ©rence complĂšte de l’article citĂ© URL de la page. NOTES 1. Anna Rita Iezzi, La PensĂ©e en narrations diffĂ©rence sexuelle et poĂ©tique de la relation chez Nancy Huston, ThĂšse de doctorat sous la direction de Nadia Setti, UniversitĂ© de Paris 8—Vincennes-Saint-Denis Centre d’Études fĂ©minines et d’Études de genre, page 149. 2. Aline Mura-Brunel, Le pouvoir infini de l’infime », in Stella Harvey and Kate Ince, Duras, Femme du SiĂšcle papers from the first international conference of the SociĂ©tĂ© Marguerite Duras, held at the Institut français, London, 5-6 February 1999, page 49. 3. Cf. ces trĂšs intĂ©ressants propos d’Ida Dominijanni GrĂące Ă  l’expĂ©rience fĂ©minine, nous savons en effet que l’oppression dont les femmes souffrent dĂ©pend moins des conditions matĂ©rielles et juridiques de leur existence sociale que de leur position dans l’ordre symbolique qui nous traite comme un objet et non un sujet du dĂ©sir et du langage. Une femme n’est pas libre quand elle ne peut pas se penser et se dire libre ; et elle ne peut pas se penser et se dire libre tant que sa mesure reste la mesure phallocentrique de l’autre [
] ». Ida Dominijanni, Politique du symbolique et libertĂ© des femmes » In Christiane Veauvy, Les Femmes dans l’espace public. ItinĂ©raires français et italiens, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris/Le fil d’Ariane UniversitĂ© -Paris 8, Saint-Denis, 2004. Page 198. 4. Delphine Naudier, L’écriture-femme, une innovation esthĂ©tique emblĂ©matique », SociĂ©tĂ©s contemporaines, 2001/4, n° 44, pp. 57-73. 5. BĂ©atrice Slama, De la littĂ©rature fĂ©minine » Ă  l’écrire-femme » diffĂ©rence et institution », LittĂ©rature, annĂ©e 1981, volume 44, n°4 pp. 51-71. 6. Marie Garrau, Alice le Goff, Care, justice et dĂ©pendance Introduction aux thĂ©ories du care, Philosophies », PUF Paris 2015. Pour accĂ©der Ă  la citation, cliquez ici. 7. StĂ©phanie Traver, CrĂ©ation au fĂ©minin, MontrĂ©al 1998. 8. Patricia Godi-Tkatchouk, Voiesx de l’Autre PoĂšte femmes XIXe-XXIe siĂšcles, Actes du colloque LittĂ©ratures, UniversitĂ© de Clermont-Ferrand/Presses Universitaires Blaise Pascal, 2010. Page 21. 9. Françoise van Rossum-Guyon, Le CƓur critique Butor, Simon, Kristeva, Cixous, Amsterdam, Éditions Rodopi 1997, page 158. → Voir aussi Jean-NoĂ«l Jeanneney, GrĂ©goire Kauffmann sous la direction de, Annie Leclerc, Parole de femme » in Les Rebelles, Une anthologie, Paris, Le Monde/CNRS Éditions, 2014. PubliĂ© le 03/05/2018 Ă  0900, Mis Ă  jour le 03/05/2018 Ă  1021 Une exposition sur les affiches de Mai 68 a lieu jusqu'au 14 mai 2018 aux Beaux-Arts de Paris. GERARD JULIEN/AFP EN IMAGES - À l'image du cĂ©lĂšbre Sois jeune et tais-toi», de nombreuses formules soixante-huitardes se retrouvent sur les banderoles des grands mouvements sociaux. Le Figaro dĂ©crypte ces outils de communication, entre symbolique» et archaĂŻsme».Il est interdit d'interdire», Sous les pavĂ©s la plage», Jouissez sans entraves». Provocateurs, drĂŽles ou poĂ©tiques, les graffitis qui ont fleuri sur les murs parisiens en Mai 68 ont contribuĂ© Ă  forger son mythe. Depuis, Ă  chaque grand mouvement social, ces mĂȘmes formules rĂ©apparaissent dans les cortĂšges de manifestants, de façon originale ou dĂ©tournĂ©e. Un signe que le mouvement a profondĂ©ment marquĂ© l'histoire du militantisme mais aussi que ce dernier a toutes les peines Ă  se lire aussiMai 68, ces trente jours qui Ă©branlĂšrent la FranceÉlaborĂ©es dans l'illĂ©galitĂ© des ateliers populaires des Beaux-Arts parisiens, les affiches de Mai 68 Ă©taient confectionnĂ©es Ă  la demande de travailleurs auprĂšs d'artistes et architectes qui occupaient l'Ă©cole. Cinquante ans plus tard, elles reviennent dans chaque grande manifestation. Le Sois jeune et tais-toi» a Ă©tĂ© imaginĂ© dĂšs janvier 1968, pour Ă©voquer la question de la mixitĂ© dans les rĂ©sidences universitaires», selon Philippe ArtiĂšres, chercheur au CNRS en histoire contemporaine. Depuis, le slogan est souvent rĂ©utilisĂ©, comme Ă  Lille lors d'une manifestation contre le Contrat PremiĂšre Embauche CPE en avril de mai 68 / photographie de l'AFP prise le 4 avril 2006, lors des manifestations anti-CPE Ă  Lille. AFPD'aprĂšs Mathilde Noury, ancienne prĂ©sidente de l'Unef et prĂ©sidente Ă©tudiante de Paris 3, ces slogans parlent aux gens. Ils appartiennent Ă  la culture populaire.» Si les syndicats Ă©tudiants choisissent souvent d'avoir recours aux formules imaginĂ©es par les Soixante-huitards, c'est parce qu'ils sont un outil de massification, de partage et de mobilisation essentiel». Ce que confirme Jimmy Losfeld, reprĂ©sentant de la FĂ©dĂ©ration des Associations GĂ©nĂ©rales Étudiantes Fage Ces phrases font appel Ă  l'imaginaire collectif, elles plaisent et rassemblent.» Le syndicat, dĂ©sormais majoritaire chez les Ă©tudiants, a d'ailleurs rĂ©cemment lancĂ© une plateforme Sois jeune et tais-toi???», pour les inciter Ă  s'exprimer sur la rĂ©forme de l'accĂšs Ă  l' slogans devenus objets historiques»Des slogans et affiches dont les inspirations Ă©taient aussi diverses que les revendications, estime Philippe ArtiĂšres. L'historien cite la littĂ©rature de l'absurde» pour les graffitis, avec des jeux de mots, des oxymores et jouant sur l'ironie», mais aussi le surrĂ©alisme» Ă  l'exemple de Sous les pavĂ©s la plage». En 1968, tout le monde lit AndrĂ© Breton», ajoute-t-il. Une devise qui rappelle Ă©galement 1936 et les congĂ©s payĂ©s.Sous les pavĂ©s la plage», taguĂ© lors du mouvement Nuit Debout en juin 2016. Sous les pavĂ©s la rage» lors des manifestations contre les ordonnances de la loi Travail en septembre 2017. AFP / AFPLe chercheur au CNRS prĂ©cise que chaque formule Ă©tait pensĂ©e en lien avec une actualitĂ© de la grĂšve gĂ©nĂ©rale de Mai 68 mais qu'ils sont depuis devenus des objets historiques». Ils touchent toutes les gĂ©nĂ©rations et sont une caisse de rĂ©sonance», abonde pour sa part Mathilde lire aussiPourquoi cĂ©lĂšbre-t-on en mars les Ă©vĂ©nements de mai 68?Affiche historique de mai 68 // Un Ă©tudiant portant une affiche, lors des manifestations anti-CPE Ă  Paris, en avril 2006. AFPCette nostalgie montre l'archaĂŻsme des syndicats»D'aprĂšs Jimmy Losfeld, cette utilisation rĂ©currente dĂ©note nĂ©anmoins l'immobilisme de certains syndicats et illustre le fantasme» Ă  chaque manifestation, de faire renaĂźtre un nouveau Mai 68». Ce que Philippe ArtiĂšres nomme un usage politique du passé» est d'aprĂšs le membre de la Fage une façon de faire croire que le combat est encore majoritaire». Cette nostalgie montre l'archaĂŻsme des syndicats», tranche-t-il lire aussiCinquante ans aprĂšs mai 68, le naufrage des syndicats Ă©tudiants de gaucheDe son cĂŽtĂ©, Mathilde Noury reconnaĂźt qu'il est difficile d'inventer des slogans». On voit rapidement ceux qui marchent et sont largement repris au microphone... et les autres». Elle ajoute que si certains sont rĂ©pĂ©titifs, c'est aussi parce qu'il y a rĂ©pĂ©tition de politique au fil des diffĂ©rents militante de l'Unef admet que l'utilisation des slogans de l'Ă©poque peut-ĂȘtre assimilĂ©e Ă  un piĂšge» pour les manifestants. Elle prend l'exemple d'Ă©lections piĂšge Ă  con» devenu sĂ©lection piĂšge Ă  cons» L'usage de ces phrases tend Ă  faire penser au public que les manifestations actuelles ont davantage pour but de cĂ©lĂ©brer l'anniversaire de Mai 68 que de critiquer la rĂ©forme Vidal. Alors que ce n'est pas qu'une question de de mai 68 // Étudiants manifestant contre la rĂ©forme de l'accĂšs Ă  l'universitĂ©, le 1er fĂ©vrier Ă  Lille. AFPD'aprĂšs l'Ă©tudiante, le militantisme a beaucoup changĂ© depuis Mai 68». Si elle avoue que les prospectus et affiches sont indispensables, elle juge qu'une manifestation aujourd'hui ne peut plus se passer du tĂ©lĂ©phone portable et des rĂ©seaux sociaux». Ce que confirme Ă©galement Jimmy Losfeld Aujourd'hui les photos des banderoles sont largement diffusĂ©es sur Internet.» Et donnent une nouvelle vie aux slogans de Mai 68, des affiches aux Ă©crans. Argent & Placements Graphisme efficace et slogans percutants les affiches de l’évĂ©nement ont marquĂ© les esprits et sont de plus en plus recherchĂ©es par les collectionneurs. Les commĂ©morations de Mai 68 suscitent l’effervescence
 Peut-ĂȘtre autant que les ventes aux enchĂšres qui dispersent depuis quelques semaines les ­affiches créées par les Ă©tudiants mobilisĂ©s voilĂ  tout juste cinquante ans. L’étude de Melun, sous la houlette de Me Matthias Jakobowicz, a ainsi ouvert le feu avec une petite sĂ©lection dĂ©but fĂ©vrier. L’affiche Continuons la grĂšve, le capital se meurt », par l’Atelier populaire, a Ă©tĂ© adjugĂ©e 270 euros, et une version de Nous sommes tous des juifs et des Allemands » a trouvĂ© preneur pour 1 500 euros. Une collection trĂšs complĂšte La maison parisienne Artcurial rĂ©pliquait le 13 mars avec une vente trĂšs complĂšte issue d’une collection privĂ©e, celle de Laurent Storch. Le producteur de tĂ©lĂ©vision et de cinĂ©ma dĂ©clarait avoir rĂ©uni Ă  peu prĂšs toutes les affiches existantes de cette pĂ©riode. Je les ai trouvĂ©es sur eBay, chez des marchands, ou encore par des personnes qui les avaient conservĂ©es, y compris du cĂŽtĂ© des CRS
 Certaines sont assez courantes, mais il y en a une cinquantaine qu’on ne trouvera plus ». Le rĂ©sultat de cette vente a montrĂ© l’intĂ©rĂȘt des ­enchĂ©risseurs 161 291 euros adjugĂ©s au total, avec 60 % des lots ayant trouvĂ© acquĂ©reur. Le record est ­dĂ©tenu par La beautĂ© est dans la rue », partie Ă  3 380 euros. Une ­affiche rare Ă  ­double titre c’est l’une des seules Ă  reprĂ©senter une femme qui lance un pavĂ©, et elle n’a pas Ă©tĂ© Ă©ditĂ©e Ă  ­Paris mais Ă  Montpellier. La prochaine Ă©tude Ă  se lancer est De Baecque et ­associĂ©s, qui mettra en vente, le 15 mai Ă  Drouot, une sĂ©lection de 250 affiches diffĂ©rentes. Graphiquement simples, monocolores, ces affiches placardĂ©es en majoritĂ© sur les murs de Paris ­durant quelques semaines entre mai et juin 1968 ont durablement marquĂ© les esprits, ce qui explique leur succĂšs actuel sur le marchĂ© des ventes aux enchĂšres. Il en existe environ 500 diffĂ©rentes, avec pour certaines des variantes dans le slogan ou la couleur utilisĂ©e. Les tirages ont Ă©tĂ© compris entre 1 000 et 2 000 exemplaires selon les modĂšles. La majoritĂ© est en effet en sĂ©rigraphie, une ­mĂ©thode simple, facile Ă  utiliser pour des nĂ©ophytes, mais qui ne permet pas des tirages aussi ­importants que l’offset. Les Ă©tudiants prĂ©fĂšraient renouveler tous les jours le message plutĂŽt que d’imprimer plusieurs fois la mĂȘme composition De toutes les façons, les Ă©tudiants prĂ©fĂšrent renouveler tous les jours le message plutĂŽt que d’imprimer plusieurs fois la mĂȘme composition. Ils rĂ©agissent ainsi en temps rĂ©el aux derniers Ă©vĂ©nements Nous sommes tous indĂ©sirables » vendue 1 040 euros chez Artcurial, avec le portrait de Daniel Cohn-Bendit dessinĂ© par Bernard Rancillac, au moment oĂč le leadeur est interdit de sĂ©jour, La lutte continue » avec un poing levĂ© au bout d’une cheminĂ©e d’usine aprĂšs les accords de Grenelle vendue 715 euros chez Artcurial, Sois jeune et tais-toi » montrant un jeune, bĂąillonnĂ© par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle au moment oĂč le ­gouvernement organise de nouvelles Ă©lections Ă  la fin du mois de juin, sans abaisser l’ñge du droit de vote vendue 715 euros chez Artcurial. Deux ateliers Les affiches parisiennes de Mai 68 sont principalement issues de deux ateliers. L’expert FrĂ©dĂ©ric Lozada prĂ©cise L’Atelier populaire est plutĂŽt de tendance maoĂŻste, et celui des Arts dĂ©coratifs, dans la mouvance marxiste-lĂ©niniste. » Le premier, l’Atelier ­populaire, naĂźt Ă  l’Ecole supĂ©rieure des beaux-arts. Sa premiĂšre affiche, du 15 mai, est ­imprimĂ©e Ă  30 exemplaires. Son slogan est U-sines, U-niversitĂ©s, ­U-nion ». Le 19 mai, La chienlit c’est lui », avec une silhouette caricaturĂ©e du ­gĂ©nĂ©ral de Gaulle, est tirĂ©e Ă  3 000 exemplaires. Lire aussi Article rĂ©servĂ© Ă  nos abonnĂ©s Mai 68 s’affiche sur les murs des Beaux-Arts Ă  Paris L’autre atelier, ­celui des Arts dĂ©coratifs, commence sa production une dizaine de jours plus tard. Ses crĂ©ations sont plus percutantes, mais aussi plus violentes. C’est de lĂ  que sort l’affiche montrant Hitler qui ­retire son masque ­figurant de Gaulle. Certains artistes de Mai 68 ont signĂ© leur Ɠuvre, ou les ont reconnues plus tard » Dans chacun de ces deux ateliers, slogans et dessins sont chaque jour soumis Ă  l’approbation d’une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, et le travail des concepteurs reste le plus souvent anonyme. Mais certains artistes ont signĂ© leur Ɠuvre, ou les ont reconnues plus tard. C’est le cas des membres de la figuration narrative tels que Rancillac ou Rougemont, ou d’indĂ©pendants parmi lesquels Zao Wou-ki, Calder ou encore Alechinsky », prĂ©cise l’expert en affiches FrĂ©dĂ©ric Lozada. Il s’amuse de la vision des acheteurs Ă©trangers pour qui ces crĂ©ations sont issues de la French Revolution
 Personne ne peut garantir que telle ou telle affiche date bien de mai 1968, et n’a pas Ă©tĂ© imprimĂ©e postĂ©rieurement » Du cĂŽtĂ© des formats, il s’agit principalement de 60 cm × 80 cm ou de 80 cm × 120 cm. Aux Beaux-Arts, les affiches Ă©taient mises Ă  sĂ©cher sur des cordes Ă  linge, les formats supĂ©rieurs Ă  1 mĂštre n’étaient par consĂ©quent pas trĂšs faciles Ă  manipuler », explique le collectionneur Laurent Storch. Cet ­aspect trĂšs artisanal, libre, peut parfois poser des problĂšmes d’authenticitĂ© sur les affiches prĂ©sentĂ©es aujourd’hui sur le marchĂ©. Me Philippe Rouillac pense ainsi renoncer Ă  sa vente prĂ©vue initialement le 15 mai Personne ne peut garantir que telle ou telle affiche date bien de mai 1968, et n’a pas Ă©tĂ© imprimĂ©e postĂ©rieurement. Certaines sont peut-ĂȘtre plus rĂ©centes, quand d’autres datent des mois suivant les Ă©vĂ©nements
 Par dĂ©finition, il est difficile de connaĂźtre avec prĂ©cision la façon de travailler de ces ateliers surl’immĂ©diat, la spontanĂ©itĂ©. » Le commissaire-priseur de VendĂŽme recommande donc d’acheter ces affiches pour ce qu’elles sont, des tĂ©moignages politiques et graphiques d’une Ă©poque. Des photos sur le vif L’étude parisienne Million propose, le 15 mai Ă  Drouot, d’enchĂ©rir sur un autre type de souvenir de Mai 68 les photos de Claude Dityvon 1937-2008. Sur les 320 Ă©preuves mises en vente, environ 70 datent de la pĂ©riode et offrent des visions crĂ©pusculaires de rues dĂ©sertes, théùtres d’affrontement embrumĂ©s, nuits sombres ou bousculades dans le Quartier latin
 Des images particuliĂšres, loin du photoreportage, mais conformes Ă  la fibre sociale du photographe et parfois empreintes de poĂ©sie Boulevard Saint-Michel, avec un jeune homme assis sur une chaise, en pleine rue, alors qu’on devine les CRS qui lui font face derriĂšre la fumĂ©e des gaz lacrymogĂšnes estimation 1 000 Ă  2 000 euros, ou encore Boulevard Saint-Michel, prise de la Sorbonne, montrant un homme courant avec une jeune femme dans les bras mĂȘme estimation. Une partie de ces tirages sont lĂ©gendĂ©s au dos par le chanteur Renaud, qui avait acceptĂ© de faire ce travail pour la sortie du livre Mai 68 Ă©ditions CarrĂšre/Kian en 1988. Dix ans plus tard, en 1998, ces photos ont fait l’objet d’une exposition au MusĂ©e Guggenheim de New York. Usines UniversitĂ©s Union – lithographie Les trois U tĂ©moignent de l’union des ouvriers avec le travail des Ă©tudiants de l’atelier populaire des Beaux-Arts – qui sort ici sa premiĂšre affiche. Ces trois lettres rĂ©vĂšlent la solidaritĂ© qui existait entre les universitaires et le monde ouvrier pendant cette pĂ©riode de rĂ©volte. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Mur d’affiches Ce mur recouvert d’affiches est le journal mural de l’atelier. C’est comme si l’histoire s’écrivait au jour le jour une vraie vie collective s’organise et occupe les lieux. Les affiches, dont le tirage variait entre 50 et 5 000 exemplaires, Ă©taient prĂ©cĂ©dĂ©es d’un dĂ©bat en atelier. Les Ă©tudiants votaient ensuite pour ou contre Ă  main levĂ©e. Puis ils les distribuaient et les collaient eux-mĂȘmes, avec l’aide d’anciens Ă©tudiants. Il n’y avait pas de brigade d’affichage. » ATELIER POPULAIRE Poing levĂ© – affiche sĂ©rigraphiĂ©e de l’Atelier Populaire Cette affiche est rare, car elle est sans texte. Le poing levĂ© – celui Ă©galement du soulĂšvement – renvoie au Front populaire de 1936, Ă  toute une histoire politique. C’est une image iconique et qui dĂ©passe les frontiĂšres. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS ? – affiche de l’Atelier populaire Le salut qui est montrĂ© sur cette affiche dĂ©peint le gĂ©nĂ©ral de Gaulle en dictateur. Il est considĂ©rĂ© comme un collaborateur et revĂȘt le costume d’un militaire, Ă©voquant le slogan de 1948 CRS SS ». Le point d’interrogation soulĂšve l’idĂ©e d’une hypothĂšse appliquera-t-il l’article 16 de la Constitution, en cette pĂ©riode de crise, qui lui accorderait les pleins pouvoirs ? » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS La chienlit c’est encore lui ! – affiche sĂ©rigraphiĂ©e de l’Atelier Populaire Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle est reprĂ©sentĂ© en mouette. C’est une reprise de ses propos du 19 mai [lors d’un conseil des ministres, le gĂ©nĂ©ral avait lancĂ© “La rĂ©forme, oui ! La chienlit, non !”] qui dĂ©signaient la contestation Ă©tudiante. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS GrĂšve illimitĂ©e – clichĂ©s Union mai 1968 projet d’affiche, peinture Chaque projet d’affiche Ă©tait dĂ©battu en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale celle-ci fut acceptĂ©e avec son texte et son graphisme d’origine. Sobre et efficace, elle rappelle que Mai 68 est le plus grand mouvement social du XXe siĂšcle en France, c’est-Ă -dire une grĂšve gĂ©nĂ©rale qui a rĂ©uni les services publics et le privĂ©, sans l’évocation d’un syndicat. C’est une Ă©poque oĂč il y a eu une unitĂ© des fronts. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS La police s’affiche aux Beaux-Arts / Les Beaux-Arts s’affichent dans la rue – affiche sĂ©rigraphiĂ©e de l’Atelier populaire Celle-ci Ă©voque le rapport au prĂ©sent – le 27 juin 1968 –, quand la police effectue une descente dans l’atelier des Beaux-Arts. L’affiche sort juste aprĂšs les faits il y a une vraie rĂ©activitĂ© de la part des graphistes. L’atelier est aussi une langue commune et partagĂ©e. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Cohn-Bendit passera – projet d’affiche Les deux affiches qui suivent posent la question de la libre circulation des Ă©tudiants avec la frontiĂšre allemande et le retour du leader Cohn-Bendit n’ayant pas Ă  l’époque la nationalitĂ© française, ce dernier a Ă©tĂ© expulsĂ© le 21 mai en Allemagne, mais rentrera clandestinement en France le 28 mai. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Douane. Cohn-Bendit passera – lithographie de l’Atelier Populaire Il s’agit aussi de l’idĂ©e d’une Union europĂ©enne. Le gĂ©nĂ©ral devient un gendarme – un peu comme dans les films de Jaques Tati – qui ne maĂźtrise pas la situation. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Poison – projet d’affiche La croix de Lorraine apparaĂźt comme un pansement. C’est encore l’évocation de De Gaulle, ici reprĂ©sentĂ© comme un vieux monsieur un peu charlatan. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Nous sommes tous indĂ©sirables – affiche de l’Atelier Populaire A l’origine, c’est une photographie de Gilles Caron. Mai 68 a trouvĂ© son visage celui de Daniel Cohn-Bendit qui fait face Ă  un CRS, ici, vu de dos. Le slogan associe les Ă©tudiants Ă  sa cause Daniel Cohn-Bendit n’a pas le droit de demeurer en France depuis fin mai. Le texte peut aussi faire rĂ©fĂ©rence Ă  une autre histoire celle des Juifs et des Allemands. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Travailleurs français immigrĂ©s unis – affiche de l’Atelier populaire Rappelons que, dans le cortĂšge des manifestants, il y a aussi des immigrĂ©s. On est six ans aprĂšs la fin de la guerre d’AlgĂ©rie le sujet reste sensible. C’est une affiche efficace dans sa composition et son message. Elle est trĂšs post-coloniale. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS La lutte continue – affiche de l’Atelier populaire Cette affiche, trĂšs cĂ©lĂšbre, est postĂ©rieure aux accords de Grenelle elle sera reprise au dĂ©but des annĂ©es 1970. On y voit Ă  nouveau ce poing levĂ© qui renvoie, cette fois-ci, aux usines. La lutte doit continuer avec les ouvriers – c’est trĂšs Mao. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS Chauffeurs de taxi la lutte continue – affiche de l’Atelier populaire Cette affiche tĂ©moigne du rapport de proximitĂ© qu’entretient l’atelier des Beaux-Arts avec l’extĂ©rieur. Des petits artisans aux ouvriers, les Ă©tudiants Ă©taient sollicitĂ©s par tous les corps de mĂ©tiers. Rappelons que les taxis sont en 1968 un moyen de transport bourgeois. Cela montre leur ouverture d’esprit. » COLLECTION DES BEAUX-ARTS DE PARIS ClĂ©mentine Pomeau-Peyre Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă  la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă  la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous ĂȘtes la seule personne Ă  consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez Ă  lire ici ? Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connectĂ© avec ce compte. Y a-t-il d’autres limites ? Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant Ă  des moments diffĂ©rents. Vous ignorez qui est l’autre personne ? Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

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